Ajouté le 30 décembre 2008 Vu sur lemonde.fr On ne les attendait pas ensemble, mais ces musiciens vont faire parler d'eux en 2009. Le guitariste Serge Teyssot-Gay et les rappeurs Casey et Hamé sont connus chacun de leur côté. Ils sont tous trois très politiques. Ils ont fini un disque qui sortira en février 2009, et ils préparent une tournée. A 8 heures par e-mail, recevez la Check-list, votre quotidien du matin. Hamé et son groupe La Rumeur sont connus dans le milieu du rap français, entre autres pour leurs diatribes contre les violences policières. Depuis 2002, le chanteur parisien d'origine algérienne est poursuivi pour "diffamation" par le ministère de l'intérieur pour avoir qualifié des policiers d'"assassins". Relaxé trois fois, le rappeur, étudiant en cinéma, sera rejugé après que le parquet général de Versailles - fait rarissime - a déposé un pourvoi contre la dernière relaxe rendue, le 23 septembre, par la cour d'appel. Quant à Casey, 33 ans, elle est une des rares filles du hip-hop à faire cingler sa voix. Originaire de la Martinique, ayant passé sa jeunesse en Seine-Saint-Denis, elle a publié en 2006 un premier album, Tragédie d'une trajectoire, qui s'écoeurait du passé esclavagiste et colonial de la France. Fin novembre, Hamé, Casey, Serge Teyssot-Gay et les deux autres membres de son trio Zone libre - le guitariste Marc Sens et le batteur Cyril Bilbeaud - répètent au Tamanoir, au coeur d'une cité de Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Ensemble, ils ont enregistré leur disque Angle mort, mais ils veulent prolonger sur scène leur rencontre. Serge Teyssot-Gay est familier des expériences parallèles à la carrière de Noir Désir, notamment depuis 2003 et l'incarcération de Cantat : création du duo Interzone avec le joueur d'oud syrien Khaled Al-Jaramani ; compositions de bandes-son pour des lectures avec des écrivains ; album solo, La Peau et les os, adaptation du texte de Georges Hyvernaud ; participation, en 2004, au deuxième album de La Rumeur ; formation du trio rock expérimental Zone libre... Depuis les retrouvailles de Noir Désir, seul le projet Angle mort de Zone libre est resté au programme de "Sergio". "Avec "Noir Dez", nous travaillons par sessions de composition ou d'enregistrement d'une, deux ou trois semaines, explique le guitariste. Même si nous comptons enregistrer un disque en 2009, cela me laisse du temps pour Zone libre." Une soixantaine de dates de concerts sont prévues à partir du printemps 2009. Au Tamanoir, l'orage électrique de Serge Teyssot-Gay accompagne les scansions d'Hamé : "La meilleure des polices c'est quand les pauvres savent/Rester à leur place sans besoin de les matraquer/De leur coudre la mâchoire, de les mettre au cachot/La meilleure des polices, c'est ce qu'on t'apprend au berceau." Contrairement aux nombreux exemples de fusions rock-rap entendues depuis le début des années 1980, le jeu du trio et des deux rappeurs ne s'enivre pas d'explosions rythmiques mais serpente au coeur d'un lyrisme noir. Comme si les distorsions de guitares creusaient l'intensité des mots. "Habituellement, le rap se pose sur une bande-son précise, régie par des machines, explique Casey. Là, on peut se faire submerger par les musiciens, on s'attire dans nos gouffres respectifs." Ne pas leur dire que ces gouffres sont trop sombres. "Ce qui me déprime, ce que je trouve violent, ce sont les paillettes de la publicité, de la variété ou d'un certain rap français, s'irrite Hamé. Notre noirceur est libératrice." Casey va dans le même sens : "Cette musique vient me chercher, me fait poser mon armure. Grâce à ces "instrus", j'ai écrit des choses plus intimes, plus fragiles." Après sa tournée avec Zone libre, Casey publiera son deuxième album. Hamé espère que La Rumeur sortira un nouveau disque en 2010, comme peut-être Noir Désir. Le groupe de rap n'a pas renoncé, malgré ses ennuis judiciaires. Au contraire. "Au début, cet acharnement nous déprimait. Aujourd'hui, il nous motive, tant il prend un tour exceptionnel, affirme Hamé. Cette histoire témoigne d'un conflit ouvert entre la magistrature et le pouvoir politique. Le ministère de l'intérieur exige que je sois condamné, les magistrats opposent leur indépendance, tout cela dans le contexte d'un mouvement de contestation au garde des sceaux, Rachida Dati. Je sais que j'aurai le dernier mot." "S'il ne l'a pas, autant quitter la France", s'indigne Serge Teyssot-Gay. Stéphane Davet
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