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Ajouté le 8 février 2009

Vu sur http://www.waxx-music.com/

Interview de Cali



Aujourd'hui j'ai vraiment beaucoup de mal à écouter des niaiseries... On a la chance de pouvoir faire des chansons... il faut en profiter jusqu'au bout et dire ce que l'on a dans le ventre.

« 1 000 cœurs debout », c’est le nom d’une de tes chansons. Pourquoi avoir choisi ce titre pour nommer ton nouveau DVD ?
Cali : Je vais commencer par être très franc. Au départ, je voulais l’appeler «Ton cul et poésies» comme les bonus et cela n’a fait rire que moi. Du coup, « 1 000 cœurs debout » s’imposait car c’est l’ouverture du concert et j’ai toujours le souvenir de ce journaliste qui est venu nous voir, je ne sais plus ou c’était, un festival. Il devait voir beaucoup de concerts lors de ce festival et quand il est rentré dans notre salle, c’était « 1 000 cœurs debout », il s’est dit « Merde, je suis arrivé à la fin du concert » puisque tout le monde était debout, ça hurlait. J’aimais cette image là. C’est peut-être la chanson la plus hot et c’est le départ du concert. Et puis, « 1 000 cœurs debout », cela sonne enthousiaste, célébration tout ça.


Quand est sorti le précédent DVD, « Tout Ne Suffit Pas », tu disais dans tes interviews que tu ne voulais pas que ce soit un truc qui sorte pour Noêl mais que ce soit un vrai film. Quel est le concept pour celui-ci ?
Comme j’avais fait le film précédemment, celui-ci a un concept bien différent. Il y a eu tout un travail de réflexion sur la tournée en amont. J’ai proposé une avancée de scène et un écran géant, mais on m’a regardé avec des gros yeux : économiquement ce n’était pas possible et techniquement non plus, et je me suis battu jusqu’au bout pour réaliser cette idée. Quand j’ai eu mon petit jouet à disposition on avait cette tournée des Zenith qui était là, et je voulais la filmer telle quelle pour retranscrire tout ça, parce que tout était là et que justement, tout était dit avec tout ça, il n’y avait pas besoin d’en rajouter.


Et du coup sur le DVD de quelle ville sont tirés les concerts ?
De Nantes. Ca aurait pu être tourné partout ailleurs…Enfin non, parce qu’il y a des choses incroyables qui ne se sont passées qu’à Nantes, mais il y a aussi eu des tas de choses incroyables sur les autres dates. C’est la magie de la vie, ça me plaît !


J’ai compté, en tout tu as fait 560 concerts…
Wahou c’est vrai ? Ca me fait peur (rires). En tout cas merci pour la comptabilité.


Qu’est-ce que tu as appris sur la « Tournée de l’espoir » ?
Encore plus que sur les autres tournées. Ce que j’ai appris c’est que c’est vraiment triste d’être tout seul en tournée. Il faut être entouré par ses musiciens, ses amis, ses proches, des gens investis. C’est un métier d’égoïste, on quitte nos familles pour aller s’amuser sur la route, mais pour pouvoir s’amuser il faut qu’il y ait une bonne ambiance, sur scène, dans le bus, qu’on boive des coups dans les loges après, que ce soit la fête partout. Même discuter de problèmes socio-politiques c’est vraiment un gage de confiance et je l’ai vraiment appris sur cette tournée. Je l’ai senti dès les répétitions juste avant la tournée quand j’ai demandé à Richard Kolinka, Daniel Roux, Blaise Margail, Nicolas Puiset, Julien Lebar et à Robert Johnson de m’aider à déshabiller les chansons, chacun a amené son influence et c’est moi qui me suis adapté plutôt qu’eux.


Comment ça se passe le début d’une tournée pour toi ? C’est rendez-vous devant le bus le premier jour, et c’est parti comme en colonie de vacances ?
C’est ça ouais. J’ai le souvenir de la tournée d’été précédente, on est partis pendant les feux de la Saint-Jean à Perpignan, et on s’est appropriés les feux d’artifice, on les a vraiment pris comme si ils étaient tirés en notre honneur. Pareil, en regardant le bus on le voit comme une nouvelle maison, on cherche sa place, et le premier soir on fête ça, mais le problème c’est qu’on arrête jamais. On a commencé le 11 mars à Reims et on a fini le 31 octobre à Troyes, et ça a pas arrêté : champagne, champagne…


Et à quel moment on commence à être fatigué pendant la tournée ?
Oh avant la tournée. Moi je suis tellement inquiet de savoir comment ça va se passer que je suis tout le temps fatigué. Mais le public, et ce n’est pas rien de le dire, efface tout ça d’un trait. Moi quand j’ai fait la fête, que j’ai dormi deux heures, que je dois m’échauffer la voix toute la journée, faire de plus en plus d’étirements pour être prêt ou aller faire un jogging, je me dis : mais comment tu vas faire Bruno pour monter sur scène ce soir ? Et puis il y a la clameur du public, la concentration, un travail sur soi, on se serre fort avec les musiciens, et on arrive sur scène…J’ai cette image, c’est qu’avant de monter sur scène j’ai l’impression de d’immoler en silence quelque part, et après c’est parti.


Tu dis aussi qu’il faut transformer le trac en quelque chose de positif. Comment est-ce que tu y parviens ?
Il faut pas avoir peur. Là avec le recul je peux le dire, ce métier c’est n’importe quoi. C’est même pas un vrai métier d’ailleurs, c’est n’importe quoi de monter sur scène pour raconter sa vie devant des milliers de personnes. Il faut pas se dire ça. Il faut se féliciter d’avoir la chance de faire ça, d’avoir tant de gens qui viennent pour écouter des chansons que j’ai écrites dans ma petite cuisine, et quand on aborde ça comme ça, le trac c’est plus de la peur mais ça devient un ressort. Et je dirais qu’il faut le tirer le plus possible ce ressort, et il faut boire jusqu’à la lie le concert, parce que ça pourra pas être comme ça pendant toute la vie, alors je savoure jusqu’à la dernière seconde du concert.


Et après le concert, est-ce qu’il y a un autre lien avec le public ? Est-ce que tu descends dans la salle pour parler avec les gens ?
Oui, parce qu’il y des gens qui passent énormément de temps et dépensent beaucoup de sous pour pouvoir assister à des concerts. Il y a une fille qui est venue à 30 concerts, 30. Ca veut dire et qu’elle a achetées ses places, et qu’elle a fait tous les déplacements. Alors on ne peut pas se contenter de faire le concert et dire au revoir, on se retrouve après derrière les loges ou devant la salle pour discuter et partager des moments de vie. Ca m’aide aussi pour faire des chansons, je m’approprie des bouts de vie, par exemple qu’est-ce qui a pu motiver quelqu’un à partir comme ça sur la route pour voir plein de concerts, ou alors moi j’ai des enfants, j’en parle avec d’autres gens qui ont des enfants et ça fait des histoires, des bouts de vie qui deviennent des chansons.


Et toi tu as été fan au point de faire des kilomètres pour pouvoir voir quelqu’un ?
A fond ouais. Je suis toujours fan ! Ca m’est notamment arrivé, quand j’avais 16 ans, le 20 octobre 1984. J’ai fait une fugue pour pouvoir aller voir U2 à Toulouse, et j’ai été bouleversé. Je me suis dit : « je veux faire comme les messieurs sur scène ». L’été suivant je suis tombé amoureux d’une anglaise et je suis parti en stop, une nouvelle fugue, en Angleterre et aussi en Irlande, pour marcher sur les traces de mes héros. J’ai suivi les Waterboys, les trucs en studio, les lieux. Et aujourd’hui j’ai la chance de travailler avec les Waterboys, c’est exceptionnel ! Donc ouais je suis encore capable de beaucoup en faire pour mes héros.


Tu réponds systématiquement lorsque l’on parle de chansons engagées : « n’est pas Noir Désir qui veut ». Pourquoi Noir Désir et pas Léo Ferré par exemple ?
Ouais ça marche aussi : « n’est pas Léo Ferré qui veut ». C’est la même famille, mais Noir Désir associe la poésie, le rock, c’est tout ce que j’aime, et quand ils ressortent de l’enfer pour nous donner ces deux titres-là je me sens revivre, j’en ai besoin, et j’ai envie de dire « merci Noir Désir ».


Cette tournée, c’était la troisième pour le troisième album, « Espoir ». Toi comme les critiques, vous l’avez estampillé comme plus engagé. Sur scène on te voit avec un chapeau floqué de l’étoile rouge, et tu dis qu’ « après avoir été un peu autocentré je peux enfin gueuler pour les autres », est-ce que ça a changé ton rapport à la scène ?
Ouais, ça a changé mon rapport à la vie même. J’ai enfin l’âge de chanter ça. Il y en a qui peuvent le faire à vingt ans moi il a fallu que j’en aie presque quarante. J’ai toujours été engagé, je me suis présenté deux fois aux élections municipales de mon village, là j’ai ma carte PS, j’ai toujours été derrière des choses, mais de là à écrire là-dessus… J’en reviens à « n’est pas Noir Désir qui veut », mais là je me sentais capable de le faire ; ce sont des chansons qui me sont venues du ventre et j’en avais besoin. Ca m’a fait du bien et j’en suis très fier, et j’en suis d’autant plus fier qu’on parlait tout à l’heure de la tournée, et justement pendant les concerts ces chansons étaient à leur place et résonnaient vachement, et ça c’est pas rien, je les ai pas chantées en me disant : « merde elle est un peu jaunie celle-là », et elles ont d’autant plus leur place qu’aujourd’hui on s’enfonce dans quelque chose de terrible et une démocratie qui n’arrête pas d’être tirée vers le bas tous les jours, et quand j’écris ces chansons je me dis que j’amène quand même quelque chose, à mon petit niveau.


A un moment tu t’es dit, comme dans les paroles de Julien Clerc, « A quoi sert une chanson…
…si elle est désarmée ». Elle est tellement vraie cette phrase, et importante. Aujourd’hui j’ai vraiment beaucoup de mal à écouter des niaiseries, ça me donnerait envie de péter mon poste ! Aujourd’hui on a la chance de pouvoir faire des chansons, d’écrire des disques malgré le marasme, alors ceux qui ont cette chance-là, pitié, il faut en profiter jusqu’au bout et dire ce que l’on a dans le ventre. Ca peut aussi être des chansons d’amour hein, pas obligatoirement des chansons politiques, mais parler d’amour aujourd’hui c’est un acte politique, au milieu de ce cynisme et de ces guerres, ouvrir son cœur et livrer ses sentiments à tout le monde c’est un acte, un engagement.


Telerama t’a récemment classé dans la famille des « rebelles ». Est-ce que c’est une étiquette qui te va ?
Merci Telerama ! Pour une fois que vous racontez pas des conneries sur moi ! Je suis ravi déjà qu’ils m’aient mis quelque part, parce qu’ils ne m’ont pas fait que des cadeaux. Mais moi je ne suis que le petit soldat de ces gens-là. Les Têtes Raides avec leur « KO Social » ( Avis de KO social, un mouvement politisé qu’ils ont lancé après le passage de Jean-Marie Le Pen au second tour en 2002, ndr) et leurs engagements de tous les jours, ils m’appellent et ils me disent : « Bruno il faut parler de ça en concert, il faut distribuer tels tracts », et je leur réponds « ok chef ». Avec Higelin c’est pareil, on parle bien entendu de musique, mais aussi de social, de fraternité, d’amour, mais de liberté, avec la rage. Thiefaine c’est pareil, ça le rend complètement dingue et sa poésie s’en ressent. Lavilliers n’en parlons pas. C’est vraiment important. Moi j’essaie de prendre les poussières d’étoiles qu’ils sèment, parce que ce sont vraiment des gens dignes, et si on me met dans leur chapelle ça me rend très fier.
Parmi tes combats il y a celui pour le droit des pères…
C’est pas le droit des pères, c’est le droit des papas et des mamans. Mon association c’est papa=maman. C’est surtout le droit des enfants, à n’être pris en otage ni par l’un ni par l’autre. J’ai une chanson « Le droit des pères » parce que je l’ai vécu en tant que papa, mais si j’avais été une maman je l’aurais appelée « Le droit des mères ».


Il y a aussi le combat pour les sans-papiers. En dehors de ces deux-là, quels sont ceux qui te tiennent le plus à cœur ?
Tous les jours il y a des révoltes qui éclatent. Il y a les bouquins de Jean Ziegler qui sont magnifiques, importants et à la portée de tout le monde, enfin à la mienne, et qui expliquent en des mots très simples, sans s’adresser à une élite, pour que l’on comprenne ce qui se passe dans ce monde. Alors oui ça me révolte d’imaginer que toutes les cinq secondes il y a un enfant qui meurt de malnutrition, alors qu’en même temps on produit deux fois plus que ce qui peut consommé, c’est un délire total. Tout ça me fait mal, et ce qui me tue c’est qu’aujourd’hui les dettes pour les pays du Tiers Monde ne soient pas effacées, parce que tant qu’on les laisse, comment envisager une fin de famine ? Et ça ce sont des chefs d’Etat, des Etats qui le savent très bien, mais qui au nom d’une économie et d’un chiffre à tenir n’en tiennent pas compte. Et quand on voit comment le système économique peut très vite se casser la gueule, ça fait d’autant plus réfléchir, la vérité n’est pas là.


Au début de ta carrière solo tu chantais plus sur des amours brisés…
(il coupe) Mais il n’y a pas que ça qui m’emmerde, il y a plein de choses qui m’emmerdent. La chance d’être Président de la République…Barack Obama c’est une vraie espérance, mais pas uniquement pour tout ce qu’il peut changer ou va changer. Il y a un peuple qui a réussi à mettre en avant un noir américain alors que ce pays était caractérisé par son passé esclavagiste, c’était la ségrégation c’était terrible. Il y a une population qui s’est unie pour mettre en avant cet homme-là, et ça c’est un exemple à suivre, ça me met du baume au chœur. Et aujourd’hui quand je vois notre président qui va, au nom du nucléaire, vendre des boeings en embrassant des chinois, le peuple assassin du Tibet, qui va embrasser sur la bouche Poutine alors que l’on sait qu’il est le commanditaire du meurtre de journalistes, ce qu’il fait en Tchétchénie, ou que l’on accueille Kadhafi comme un roi, ça me fait mal. Il y a beaucoup de choses mais je ne suis pas le seul hein.


Et entre tes tournées et tes album, tu as du temps pour du militantisme personnel ?
Il est là, c’est ça, les tournées, les chansons. Après l’important c’est de garder l’attache principale qui est la famille et les proches, et ça c’est très difficile, je m’en aperçois aujourd’hui. Je suis toujours en vacances, la scène c’est pas un travail, c’est pas comme la mine. Alors j’ai deux mois de vacances en famille et après je repars en colonie de vacances avec les copains.


Tu vas repartir pour une tournée acoustique. Après avoir joué avec plein de musiciens, comment tu la vois cette tournée-là ?
Nue. (rires). Non je la vois dépouillée, parce que justement on va pratiquer des lieux qu’on a pas pratiqués, des petits théâtres, des petites scènes, moi j’ai très envie d’aller dans des petites salles des fêtes qui m’ont accueilli quand je faisais du bal de village chez moi. Donc on va jouer devant très peu de personnes, ça va être génial, on va montrer un petit spectacle. On va jouer mes chansons, les habiller, les déshabiller avec un piano, des cuivres, des choses comme ça. Ca va être un autre challenge, de transformer une énergie qui était sportive en quelque chose de plus émotionnel.


Et ton process d’écriture, il se fait en studio, sur la route, comment ça se passe ?
Je n’écris pas de chansons. J’écris des phrases dans la journée, des phrases qui me rendent heureux et qui viennent de je ne sais où, et qui deviennent des morceaux de couplets ou de refrains, mais je n’ai pas un process précis en me disant qu’il y a un album à écrire, tout ça. Ca pourrait être autre chose, peut-être qu’un jour j’irai crier avec un porte-voix dans la rue, crier des mots qui me touchent. Ca ne sera pas un concert ni des chansons, peu importe. La performance est importante.


Mais le studio c’est important quand même, est-ce que tu sais quand est-ce que tu y retournes ?
Là non, je sais que oui. Donc si si. Je fais des duos, là j’ai fait des duos avec un musicien catalan. Le prochain studio ça sera avec des musiciens catalans, peut-être pour reprendre des vieux standards, faire des chansons de Springsteen en catalan, en tout cas c’est quelque chose que j’aimerais beaucoup. Ca sera ça le prochain studio, après je ne sais pas. On meurt demain alors je ne fais pas trop de plans. J’espère être encore en vie ce soir pour aller voir Leonard Cohen à l’Olympia. Mais j’ai cette chance de ne pas devoir planifier. Je ne sais pas ce qui va se passer la semaine prochaine, et ça j’adore !

Propos recueillis par Lajoinie Adeline

 


Dernière modification le 16/09/2013 à 22:16


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