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Ajouté le 1er janvier 2011

Culture

Publié le 01/12/2010 à 20:16 Le Point.fr

MUSIQUE
Noir Désir, les héros de l'amer

Par Marion Cocquet

Noir Désir, les héros de l'amer

La fin aura été digne. Trop peu prolixe, peut-être, au goût d'aucuns, mais à l'image de ce que Noir Désir a incarné pendant trente ans : de la sobriété, jusque dans les tempêtes médiatiques. Lundi, Serge Teyssot-Gay annonçait son départ dans un communiqué lapidaire. Le lendemain, le batteur Denis Barthe, qui, depuis Vilnius et l'affaire Trintignant, s'était imposé comme porte-parole, prononçait l'acte de décès du groupe. "On ne va pas maintenir Noir Désir sous respiration artificielle pour de sombres raisons", déclarait-il à l'AFP. Et d'ajouter : "Ce n'est pas la fin du monde."

Pas la fin du monde, sans doute. Mais un sacré coup tout de même. C'est qu'il était attendu ce retour, depuis la mort tragique de Marie Trintignant en 2003 et l'incarcération de Bertrand Cantat. En témoigne l'émoi provoqué par la première réapparition sur scène du chanteur, au festival de Bègles en octobre. À la sortie de prison de Cantat en octobre 2007, il était annoncé que le groupe, dont Barclay avait renouvelé le contrat en 2005, s'était remis au travail. Malgré des rumeurs sur la sortie d'un nouveau disque à la rentrée 2009, puis 2010, aucune chanson n'a été enregistrée, assure aujourd'hui le label. Hormis deux titres, diffusés sur le Net.

La houle

C'était, il est vrai, un groupe au bord de l'essoufflement et traumatisé par le double drame de Vilnius et du suicide en janvier 2010 de Kristina Rady, l'ex-femme du chanteur, qui tâchait de se retrouver dans la musique. "La marque de fabrique de Noir Dèz, c'est son exigence constante, soulignait Pierre Mikaïloff, auteur en 2009 de Noir Désir, Bertrand Cantat - Un destin rock (Alphée). En 1987, lorsque sort le premier disque, ils ont six ans de travail derrière eux. Ce refus de la compromission fait les grandes aventures musicales, sans doute. Mais cela rendait peut-être aussi plus difficile de reprendre le chemin des studios après dix ans de mise en veille."

Cette intensité dans le travail, le groupe en aura payé le prix tout au long de son existence. En plus de vingt ans, Noir Désir n'a enregistré que six albums studio, chaque détail faisant l'objet de discussions houleuses, et parfois de blocages. "C'était une façon de respecter le modèle alternatif qu'ils revendiquaient", estime Pierre Mikaïloff. Tout ascendant de l'un sur les autres est en effet proscrit. Y compris celui de Bertrand Cantat, malgré son incandescence sur scène, qui le fera comparer souvent à Jim Morrison, dont il a les yeux brûlants et la fronde d'enfant de militaire grandi dans le dégoût de la discipline.

"No pasaran sous les fourches caudines"

Noir Désir a tenu cette ligne vingt ans. Vingt ans d'un rock pur et dur, mais inscrit dans une tradition de la chanson française à la Ferré, Brel ou Brassens, et agrippé à des engagements à gauche sans appel, volontiers provoc'. Comme lors de ce soir des Victoires de la musique de 2002, où Cantat interpelle Jean-Marie Messier, alors patron du groupe Vivendi Universal (dont dépend Barclay) : "Tu permets que je t'appelle camarade ? Nous ne sommes pas dupes de ton manège, et si nous sommes embarqués sur la même planète, on n'est décidément pas du même monde."

Pas de leur monde, non plus, l'arène médiatique où les plonge le drame de Vilnius. "C'est le pire qu'il pouvait leur arriver", estime Youri Lenquette, photographe du groupe et ami de longue date. "Pour 'Sergio' surtout (Serge Teyssot-Gay), c'était insupportable." Les paparazzi traquent Cantat jusqu'en prison, Voici annonce son intention de s'inscrire en cours de philosophie par correspondance. À sa libération, une pression médiatique continue entoure les musiciens. "L'indécence qu'évoque Serge dans son communiqué, c'est cela", affirme Youri Lenquette. "Tous les quatre auraient pu la supporter, pour la musique. Mais depuis Des visages des figures (leur dernier disque, sorti en 2001, ndlr), la dynamique s'était essoufflée et sans Vilnius ils auraient peut-être arrêté plus tôt, estime-t-il. Il vaut mieux pour eux partir sur un parcours musical sans tache qu'après un mauvais dernier tour de piste, subi en pleine lumière." Ces dix dernières années, chacun a vécu ses propres aventures musicales en dehors de Noir Désir : le vent les portera.

 


Dernière modification le 16/09/2013 à 22:17


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