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Ajouté le 6 août 2008

Le soleil

jeudi 07 mars 2002


Le Soleil - jeudi 07 mars 2002

Une tempête nommée Noir désir

Noir Désir a longtemps hésité avant de prendre la route avec Des visages, des figures, son cinquième album. Le nouveau chapitre musical du groupe bordelais, salué à l'unanimité par la critique, évoque un univers tridimensionnel, vibrant, une énergie parfaitement canalisée, qui a peu à voir avec son passé crûment rock et revendicateur. Si bien que la formation n'y voyait pas de correspondance scénique. Puis elle s'est mise au boulot.

Il y a plusieurs semaines que Noir Désir s'affaire à ciseler pour la scène le diamant brut que constitue son dernier album, un opus qui, avec l'excellent simple Le vent nous portera (et bien d'autres titres tout aussi valables), leur vaut de mener la course aux Victoires de la musique avec cinq nominations.

« Nous avons mis les mains dans la matière. Il y a des choses qui se sont fixées, d'autres qui ont gardé de grandes plages de liberté... On avance. On finit toujours par plonger à l'eau. Chaque fois, il faut s'investir et réinvestir un espace en live. Nous ne sommes pas du genre à mettre en scène ou à trop fixer », fait savoir le chanteur et guitariste Bertrand Cantat.

Le processus, admet-il, peut parfois être irritant. Surtout que les quatre membres de la formation ont de bouillants caractères...

« Aujourd'hui, nous ne nous sommes engueulés que quatre fois, avouait-il il y a quelques semaines. À 12 fois, on commence à s'inquiéter ! Il faut dire qu'il y a vraiment plein de choses à gérer musicalement. Tout doit être discuté. On recherche toujours le consensus. »

Par ce travail, Noir Désir espère en arriver à une formule qui satisfasse tout le monde, à commencer par le public.

« J'ai vachement envie que ce soit bien, plus qu'avant. Avant, c'était forcément bien, mais là, la barre est plus haute. Il n'est pas question de boire comme avant — il y avait des moments où ça prenait le pas sur le reste — mais, bien sûr, on dit ça pour se motiver ! »

Le bon esprit qui règne au sein de la formation depuis sa retraite au Maroc lors de l'écriture de l'album ne facilite pas pour autant la recherche du traitement à apporter aux chansons. Avec Des visages, des figures, Noir Désir signe son disque le plus intime à ce jour. Un contraste marqué d'avec sa précédente production et un défi d'arrimage en concert.

« L'idée, c'est de ne pas faire pareil au disque. C'est pourquoi nous aurons un platiniste avec nous sur scène, Christophe Perruchi, qui est une vraie usine à gaz ! Avec ses samples, ses couleurs de sons, il permet de rentrer différemment dans les chansons », explique le sympathique musicien qui, avec sa bande, débutera sa tournée au Québec. Le quatuor se produira dans la Vieille Capitale le 17 mars, soit huit jours après la remise des XVIIes Victoires de la musique qui devraient le couronner groupe de l'année.

Pour ce premier rendez-vous en quatre ans avec le public québécois, Noir Désir promet la même charge émotive qui traverse ses incontournables Tostaky (1992), 666 667 Club (1996) et, plus récemment, Des visages, des figures (2001).

« S'il y a une chose à laquelle on tienne, c'est que notre intensité soit préservée. On veut que les gens puissent se retrouver dans nos racines et dans les sensations qu'on a pu susciter chez eux. On veut qu'il y ait des guitares hurlantes et toutes les autres choses qui hurlent aussi. »

Sur scène, il ne faudra donc pas s'attendre à un Noir Désir assagi... La formation déchaînera ses éléments comme jamais auparavant.

« On va tenter de créer des tableaux qui ne sont pas tous les mêmes. Parce que c'est vrai que le lien n'est pas toujours si évident entre les chansons. Les rythmes non plus. Quand on balancera des furiosités, ça donnera plus de valeur aux passages plus lents. Ce sera comme une crise de tachycardie, une tempête permanente. »

Et Dieu sait qu'au Québec, en mars, les tempêtes ne sont pas toujours inoffensives...

« D'habitude, on termine nos tournées au Québec. D'y commencer, ça ajoute beaucoup d'inconnu pour nous. Cela dit, on a peut-être moins de pression que si on commençait en France... », admet Cantat.

Là-bas, on s'en doute, les attentes sont gigantesques. En 20 ans de carrière, jamais Noir Désir n'a obtenu un succès populaire de l'ampleur de celui qu'il connaît maintenant, un succès qui pourrait lui mériter samedi les Victoires du groupe, de l'album, du clip, de la chanson et du concert de l'année.

« On doit vieillir parce qu'on commence à être flattés par ce genre de chose ! À quelque part, c'est une forme de reconnaissance. On ne crache pas là-dessus, mais ça ne fait pas partie de nos buts ultimes. On commence juste à pouvoir apprécier ça », soutient le chanteur.

Ardents militants de la gauche, défenseurs des sans-papiers et des SDF, artistes frondeurs à la démarche indépendante (même s'ils sont sous contrat avec le major Universal-Vivendi), Bertrand Cantat, Denis Barthe, Serge Teyssot-Gay et Jean-Paul Roy se gardent d'ailleurs bien de courir après les honneurs. Dans le passé, il leur est même arrivé de boycotter la cérémonie des Victoires (se contentant d'envoyer une télécopie), trop déconnectée, estimaient-ils, de la réalité de la marge, plus affranchie et spontanée.

« Personne ne peut plus croire que les artistes peuvent encore faire ce qui est bon sur le moment tellement tout est normé, tellement tout est marketing. J'ai plutôt tendance à penser que rien ne l'est. »

À cet égard, Noir Désir est l'exemple qu'une certaine renommée n'entache pas nécessairement la liberté de création. « Le succès, il faut s'en méfier. En même temps, est-ce que l'on supporterait de retourner dans la noirceur de l'underground ? », demande Bertrand Cantat.

La réponse est non, bien sûr. Fort heureusement, l'authenticité est plus facile à maintenir pour un groupe qui a atteint sa maturité.

« Pour nous, la trace est profonde. C'est différent pour les jeunes, c'est plus insidieux que ça. Tu te laisses prendre dans la machine du succès et tu évites de poser des questions... Il faut continuer de poser des questions. »

Noir Désir n'a jamais relâché sa vigilance. « Mais c'est du travail ! Des fois, il faut rentrer chez nous, sur une terre en jachère... C'est la seule façon de se ressourcer, de rester proche de la vraie vie, d'écouter la vie. Certains parlent du spectacle comme s'il s'agit d'un produit vendu à des clients. J'essaie qu'il y ait quelque chose à donner et à prendre là-dedans. »

Et que ceux qui voudraient y changer quelque chose se le tiennent pour dit : « Je suis du genre à accepter les conseils, mais je les oublie vite ! »

Kathleen Lavoie





Dernière modification le 17/09/2013 à 22:15


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