Accès membre, encore plus de Noirdez!!!
.:: www.atonetoile.com par MG ::.

Ajouté le 4 août 2008

AU BOUT DU MONDE

Longueur d'onde 1992 / spécial amour / haine


L.O. 1992/ spécial amour/haine

AU BOUT DU MONDE

( Ici Bordeaux, aux abords d'un fleuve, le Café des Arts situé dans les dessous d'une ville en folie. )

Méphistorockès : Alors Fausty, pas trop fatigué ? Tu vas voir, le groupe dont il s'agit maintenant a certainement beaucoup de choses à te dire ! Fer de lance du rock français, les Noir Désir distribuent un rock lyrique, onirique, servi non seulement par des mélodies à la fois électriques et urbaines, mais enrobées aussi par une voix hors du commun. Car la voix de Bertrand Cantat, dont le charisme ne peut laisser indifférent, peut prendre des intonations tour à tour aggravantes, voire grandiloquentes et sauvages tels les hurlements à la lune de ses enfants-loups qui nous entourent. Toutes ses qualités, exacerbées sur scène, Noir Désir a su les dispenser à travers trois albums aussi efficaces et personnels les uns que les autres, en attendant le quatrième qu'ils peaufinent. La profondeur et la gravité de certains textes me font penser que je détiens toujours leurs âmes et ce depuis déjà fort longtemps ! Il va falloir que je songe à leur rendre, un de ces quatre ! Mais chut : les voilà !

Fausty : Avant toutes choses, comment définiriez-vous la haine ?

Bertrand, el Destichado du groupe : Ce n'est pas quelque chose de simple ! D'abord, on a pas la vraie haine tous les jours. On l'a vis-à-vis des gens qui sont incroyablement bouchés : des types avec qui tu ne peux pas discuter. Moi, j'ai toujours plus la haine du système que des gens ces derniers ne sont que des maillons de la chaîne. Quand je dis un système, ce n'est pas "le" système dont je parle, il s'agit de n'importe quoi qui devient un système, nous y compris ! Tu vois, on est un groupe, on est obligé de gérer notre truc et à force cela devient aussi un système. Et à ce moment-là, cela devient bizarre parce que le danger vient toujours de là !

Fausty ( à lui-même) : Ce Bertrand m'a l'air d'un écorché vif mais ne nous fions pas aux apparences ... (au groupe) Quelle est la chose ou la situation qui quotidiennement vous met hors de vous ?

Denis, le batteur prend la parole : La manière dont sont faites les informations télévisées : c'est du cinéma ! Les "journalistes" deviennent les héros d'un petit téléfilm diffusé tous les soirs à 20 h et où tout tourne, en fait, autour de leur personnalité. Qu'importe l'info, pourvu qu'elle soit spectaculaire.

A Serge, le guitariste tournoyant, de rajouter : Je déteste, de manière générale, les gens qui n'ont aucun respect pour les autres. Mais cela enveloppe tellement de choses. En tout cas, les personnes ne faisant preuve d'aucune humanité, ça me fout en l'air !

Bertrand : Non mais vraiment, c'est bourré de trucs qui sont dégoûtants tout au long de la journée ! Et nous, on vit dans un des secteurs les plus protégés dans le monde. Mais à partir du moment où tu veux bien considérer que tu ne vis pas tout seul dans ta petite protection, alors là, t'es forcément dégoûté par plein de choses. Mais le dégoût ça supposerait aussi baisser les bras face à tout ce qui se passe ! Alors bon, il ne faut pas se laisser abattre !

Méphystorockès : Quel est l'événement récent qui vous énerve ?

Bertrand : Les gens sont en train de faire les malins en ce moment, comme anciennement aux Etats Unis, parce qu'ils croient avoir détruit le communisme ainsi que tous les autres systèmes. Seulement on a fait qu'une partie du travail. Il en reste une autre, que je ne dirais pas forcément plus énorme parce que c'est vrai que le communisme a commis des aberrations, mais de l'autre côté aussi il y a énormément de choses à détruire ! Et on ne peut pas faire l'Europe avec l'idée de libéralisme et du commerce à tout prix. Il faut d'autres idées pour que ce soit différent. Je ne dis pas qu'il y en a aucune, mais elles sont peu dominantes. Il faut s'en référer d'avantage à la vie, mais ce n'est pas facile. C'est justement parce qu'il n'y a pas de solution miracle que c'est intéressant, alors qu'on essaie de nous faire croire qu'il y en a encore. C'est un système qui produit des exclus en permanence. Alors c'est bien, il y aura un nouveau Staline parce qu'on aura refait exactement les mêmes conneries !

Fausty : Il n'y a qu'à voir la Yougoslavie, on a une impression de déjà vu, non ?

Denis, dévisageant Méphystorockès, puis se retournant vers Fausty : Tu sais la Yougoslavie a un gros malheur : elle n'a pas de pétrole sur son territoire, sinon une force internationale se serait tout de suite interposée !

Bertrand : Tiens ! Rappelle-toi la guerre du Golfe, globalement la façon dont cela s'est passé, et le pourquoi ... il y a à redire sur toutes les lignes.

Denis : C'était une guerre pour le pétrole. Elle n'était absolument pas, et le terme est à hurler de rire, une guerre "chirurgicale". Ils ont pris les gens pour des cons. Et là encore, l'information s'est faite complice de l'horreur !

Bertrand : Ce qui est aussi révoltant, c'est que, du coup, on n'arrête pas d'entendre parler du charité business. C'est vachement vicieux ! Parce que finalement, en y regardant de plus près, ce qui peut se passer chez Foucault ou d'autres du même style, c'est une énorme façade. Parce que même si ils trouvent de l'argent ( et honnêtement on ne peut pas leur reprocher cette efficacité), ça ne vaudra jamais rien de faire de la tune et de la reverser à des gens si c'est fait sans dignité ! Ce dont on a besoin, c'est de la dignité !

Fausty : Justement on a énormément parlé de l'album "Urgence, 27 artistes contre le SIDA" ! Accepteriez-vous de participer à une telle entreprise ?

Bertrand : Ca dépend de qui et comment ça se fait, de quelle manière c'est médiatisé et de la dignité du sujet traité. Alors, la réponse toute simple serait : oui ! Ce qui compte d'abord, c'est de faire des choses valables, mais ce n'est pas la peine de les faire si cela n'est pas digne. En plus, tout cela empêche de penser aux problèmes du système. De le critiquer là où il devrait l'être. Parce qu'en ce moment, en fait, il n'y a pas de critiques de fond. On a l'impression que ça y est, on est au bout de la course et que tout est parfait ! Mais loin de là ! Il n'y a qu'à voir les contrastes qui sont toujours aussi grands aux U.S.A. Ici, c'est un petit peu différent ... c'est moins violent, c'est latent. Et puis vient se greffer là-dessus le problème dit "des pays du Sud", alors là ça devient un gag ! Mais ça ne va pas durer longtemps !

Denis : On pourrait aussi à croire en une bonne volonté si l'on aidait vraiment le tiers de la planète qui crève de faim ! Mais au lieu de cela, on stocke les marchandises dans de vastes entrepôts pendant cinq ans, et au bout du compte on les détruit !

Bertrand : De plus, le fossé augmente de jour en jour. Et nous, on fait partie des privilégiés et ça, il ne faut pas se le cacher ! Alors, il faut essayer de réfléchir un peu, histoire de ne pas être surpris par ce qu'il risque de se passer !

Fausty : Quelle est la chose (matérielle) qui vous agace ?

Bertrand : Du matériel, il y en a trop de toute façon. Mais c'est super ! La technique c'est génial !

Méphystorockès : Mais n'as-tu pas l'heureuse (...euh pardon !), l'impression que cette facilité technique est en train de produire une génération beaucoup plus fainéante que la précédente ?

Bertrand : Non, au contraire ! Elle paraît beaucoup moins fainéante que nous ! Cependant, le matériel a pris une place beaucoup trop importante dans notre civilisation !

Fausty (pensant aux années passées devant son Macintosh) : Cette course vers la technologie ne vous fait pas peur ?

Bertrand : Si ! Je crois que c'est Boris Vian qui disait : "comprends ton robinet sinon ton robinet devient fasciste". Il faut comprendre, et moi je ne comprends rien ! Même un robinet je ne sais pas comment ça marche (rires). Alors évidemment, je trouve ça fasciste. La machine prend le pas sur l'homme, mais de toute façon, c'est bien fait pour sa gueule parce que l'homme ne se supporte pas, alors autant supporter les machines. C'est quand même triste !

Fausty : Bon, changeons de sujet ! Quels sont les groupes que vous appréciez ?

Bertrand : Sans avoir besoin d'aller chercher à l'autre bout du monde, on aime les gens dont la musique nous explose et que nous connaissons personnellement. C'est le cas des Thugs, Road Runners, Dominic Sonic, Young gods, Kid Pharaon et des Mush. Sinon, parmi ceux que l'on a pas rencontré il y a les Fugazi et Henry Rollins.

Quand vous sentez-vous le plus désirable ?

Denis : Quand on ne s'y attend pas !






Dernière modification le 17/09/2013 à 22:15


© atonetoile.com 2004 - MG -