Vendredi 18 avril 2008

Fred - A l'envers à l'endroit

Vu sur rfimusique.com :

Ce drôle d’oiseau de Fred
Mes graines, album en apesanteur

Paris
05/03/2008

Cinq ans après Sauté du nid, Fred revient avec Mes graines. Ni jeune coq, ni rapace, cet auteur-compositeur attachant fait une nouvelle fois mouche. Il délaisse la formule guitare-voix pour une production plus étoffée, résolument tournée vers la soul et le blues. Un deuxième album, enregistré entre Paris et Bamako, qui attire par son atmosphère et séduit par sa richesse.

A l’automne 2006, Fred présentait ses nouvelles compositions lors de deux concerts à Paris. Mes graines, son deuxième album, sort finalement un an et demi plus tard ! Entre temps, le disque a été annoncé en mars 2007, septembre 2007, janvier 2008 puis enfin le 3 mars 2008, date officielle de la vraie sortie. Autant de reports pas franchement agréable à vivre pour l’artiste : "C’est assez dur mais après tu relativises aussi, parce que ceux qui ne veulent pas sortir l’album en sont les principaux financiers. Donc s’ils voulaient en finir avec toi, ils mettrait ton disque dans le bacs pour 15 jours et basta." Cette année blanche aura au moins permis au chanteur de comprendre une réalité française : le jacobinisme. "J’ai essayé de vivre dans le sud. Je me suis rendu compte que d’être loin de Paris et d’essayer de sortir un album en même temps, c’était un peu dur. Donc je suis revenu."

Fred a aussi profité de cette attente pour ajouter un bonus de taille : Seconde nature, un disque de cinq reprises, proposé avec Mes graines. A l’intérieur, notamment, une version très crooner du titre de Police, Every little thing she does is magic et une interprétation saisissante d’A l’envers, à l’endroit de Noir Désir. "On venait de me dire que l’album allait encore être reporté, en mars. Blah ! Un autre coup ! Donc, je me suis enfermé pendant quatre jours dans un studio et j’ai enregistré des reprises, quasiment seulement en guitare-voix. Après ce qui est très dur avec cet exercice, c’est qu’il faut au moins arriver au niveau de l’original. J’ai enregistré d’autres reprises mais ces cinq-là, je les aime assez pour qu’elles soient sur un album."

La terre vue du ciel

Fred est un artiste iconoclaste. Chanteur à la plastique avantageuse mais pas chanteur à minettes, influencé par la soul et le blues mais résolument francophone. Si on le classe (avec un brin de perfidie !) entre De Palmas et Christophe Mae, il répond Kings Of Leon, Fink, Outkast et Rodolphe Burger. Enregistré sous la houlette de Jean Lamoot (Raphaël, Souad Massi, Salif Keita, Pauline Croze, …), l’album est à l’image du musicien : un mélange aérien de mélancolie et d’espoir. La terre vue du ciel, musicalement, avec en ligne de mire l’Occident : "Il n’y a pas de dégoût. Je l’aime assez pour être observateur et critique. Il y a une chanson qui s’appelle Economie de ma personne avec comme refrain : "Pas assez d’excitant dans mon Occident". C’est presque du chauvinisme en fait ! Essayer d’appuyer là où ça fait mal pour que ça bouge. Il y a ça aussi sur Petit Français de colonies et Mon pays. Quand on a écrit ce texte avec Chet, c’était comme un hymne : regardez ce qui s’est passé, ce qui nous reste. Savoir si avec l’accumulation des lois, on est encore acteur ou juste observateur du pays dans lequel on vit." Mais Fred ne veut surtout pas devenir le donneur de leçon de service : "Je n’ai pas cette prétention là. Il faut être très, très sûr de soi, pour tenir ce rôle. Je suis plutôt à l’aise avec ma façon de m’extraire du monde et de regarder tout ça de plus haut."

Fred la main chaude

Et de plus loin aussi, puisqu’une partie de l’enregistrement de l’album s’est déroulée à Bamako dans le studio Moffou de Salif Keita : "ça m’a permis de finir des textes et d’enregistrer des voix. J’étais complètement déconnecté de ce que je pouvais vivre à Paris. Et ce qui était bien aussi, c’est qu’à cette époque là, Salif Keita était parti en tournée. En général, il embarque tous les cadors de Bamako. J’aurais été très content d’avoir un Toumani Diabaté sur l’album mais je ne voulais pas cette couleur-là. Et là, le joueur de kamele n’goni (ndlr : instrument à cordes traditionnel) sur qui je suis tombé, Sini Demba Dialo, avait une forte culture de musique populaire mais il était aussi capable de se plonger dans un univers folk rock. Avec Jean Lamoot, on a découpé, resampler ses riffs avec pro tools, ça donne des tourneries assez saccadées." Sans faire ni gadget, ni touriste, Fred a su marier par petites touches impressionnistes ces couleurs maliennes à son univers.

Sur Mes graines, Fred a choisi l’intimisme, la nuance. La soul se fait soyeuse sur Veille, le blues rustique avec Toi et ton chat. Avec toujours au premier plan, ce chant désenchanté terriblement émouvant. Ultime pirouette, l’album se conclut sur une pointe de psychédélisme avec Bourdon : "Je sais que je suis plutôt répertorié folk ou chanson française, admet-il, mais l’idée de laisser partir le piano, la guitare et la batterie ensemble dans un morceau, ça me plaisait. Ce titre évoque une personne qui se perd dans un moment de la nuit. C’est bon aussi quand, tout à coup, tu as un univers qui décale et que tu pars dans la folie de cet homme." Pour sa part, Fred n’a plus envie de se perdre. Après un an de congé sabbatique forcé, il déborde d’activité. D’abord la scène, en duo avec le batteur Nicolas Rajao, pour présenter enfin cet album. Puis très vite, retravailler sur de nouveaux titres avec Jean Lamoot. Histoire de garder la main chaude.

Fred Mes graines (Saint George/Sony) 2008

Ludovic Basque

Merci à Eric dit le GRIZZLY pour nous avoir informé de cette reprise !